Le dernier orage
Le vent porte les voix
et tourne les songes
fièvre d’une souple virevolte
nous sommes les derniers
quelques-uns
aux coins des continents
les rues désertes
le regard des tombes
l’Univers s’agenouille et plie sa robe céleste
le Temple des Anciens craquent les terres meurtries
érection des mémoires
je n’ai plus peur
le souffle des berges enfle les jupes de la fille joyeuse
lambeaux de rêves et valse des heures
la magicienne aux grands cheveux dansent dans les nues
comme l’appel des chairs danse au sexe des galaxies
quand l’orage vient
J’écris
sérum tombé des lunes
mes veines
mes artères
sentiers fluides liant les mondes
une lueur perce les ténèbres endormies
étoile perdue au ventre des nuits crues
frêle hypnose et bouche en fièvres
l’écho lointain des galaxies échouées sur le pavé
les campagnes mortes
les villes spasmodiques
Les morts portés par de célestes et brumeux vaisseaux noirs
percent l’orage et
giclent en larmes cendrées
au sol les linges immaculés avalent nos rêves
fêtes galantes ou danses macabres à l’estaminet crapuleux
lèpres au Grand Palais
la foule danse
le silence cimente les fous
j’écris
Délices
les pluies torrentielles d’Abyssinie
quand le Nil s’écoule en prières
il prend cette couleur sang dont parlent les livres perdus
alors le pourpre et l’or s’enfoncent dans nos bouches mouillées de bonheur
les lointains peignent le ciel d’une fièvre orangée
et le souffle tiède dans nos cheveux
et nos mains qui se chahutent
et tes yeux
et nos rêves
délices
délices
l’océan est un chant miraculeux
qui nous pénètre et nous peint la vie de l’univers
les forces secrètes de la Grande Mère
silence
silence
là-bas les cimes des navires fantômes renaissent et nous saluent
tous les pays sont en toi
Auguste Blanqui prend la mesure du pavé parisien pendant que
Cervantès nous revient
il pose à nos épaules ravagées le sourire de l’ami qu’on attend
à ses pieds se tortillent nos sacs de pauvreté
nos sacs pleins de joyaux
L’Eternité
l’ami nous l’a ramenée
ouvrons
ouvrons
nous avons tellement de chansons
JEAN-PHILIPPE GONOT
ECRIVAIN